mercredi 29 novembre 2006

Faut-il lire les Bienveillantes ?

Après avoir lu Les Bienveillantes dès sa parution, d’une traite et de la première à la dernière page, je puise ma légitimité à vous en parler de la quasi absence de critiques en tout genre qui couraient quand j’ai ouvert ce gentil pavé…les prix sont tombés, les critiques en tout genre pleuvent…Il fallait que je vous parle franchement !

Depuis que l’académie Goncourt a commis l’irréparable erreur d’attribuer son prix au roman Les loups de Guy Mazeline aux dépends du Voyage au bout de la nuit de Louis Ferdinand Céline en 1932, cette dernière ne possède plus de légitimité pour distribuer les bons points de la littérature française. D’ailleurs, pour être très franc, cette institution, comme les autres distributeurs patentés de prix automnaux, ont-ils jamais bénéficié de la moindre légitimité ? Depuis leur fondation, le microcosme littéraire et journalistique s’entend sur les manipulations et les ententes frauduleuses en tout genre au point que la littérature et ce qu’il en reste aujourd’hui n’est plus que l’alibi présentable de petits intérêts mercantiles.

Tout le monde publie, surtout les médiocres, et les boutiquiers des lettres se frottent les mains. Le consommateur achète et lit ce qu’on lui dit d’acheter et de lire. Une cohorte de crétins va donc se voir offrir à Noël les bienveillantes le premier roman de Johnatan Littel (paru chez Gallimard) et déjà couronné par le prix du roman de l’Académie française et le prix Goncourt !!

Le problème, justement, de notre société de consommation c’est que des crétins offrent à d’autres crétins le « prix Goncourt » tous les ans à Noël !

LES BIENVEILLANTES est un roman qui mérite d’être lu par autre chose que des beaufs avinés repus d’huîtres et de foies gras !

Pourquoi s’en faire ? Me direz-vous ? Vous avez sans doute raison après tout, car avec un livre de 910 pages entre les mains on peut raisonnablement penser que le beauf retournera rapidement à ses sous-lectures habituelles ( Marc Lévy, Amélie Notomb, …)

Rassurons tout de suite les âmes sensibles

Le héros, Dr Max AUE est nazi ! Horreur, le mot est lâché. Ce n’est pas pour autant un dieu aryen, blond, grand et endurant…etc. Non, il est de taille moyenne, brun et juriste. Il gravira les échelons hiérarchiques de la SS en faisant une très honorable carrière de fonctionnaire et en participant activement à la mise en place de la politique de « solution finale de la question juive ».

Comme un héros de roman, même nazi, risque toutefois d’attirer la sympathie du lecteur, le romancier n’a pas lésiné pour nous le rendre tout de suite moins agréable.

Le héros est homosexuel (on retrouve là une vieille psychanalyse de comptoir sur les liens entre la barbarie nazie, l’homosexualité ou une sexualité dérangée !) mais comme il vaut mieux prendre des précautions avec tous les malades qui circulent en liberté, le bon Dr Max AUE est également parricide et incestueux, il a un faible pour la boisson, vomit très régulièrement à cause de troubles gastriques ou intestinaux importants (à moins bien entendu qu’il ne s’agisse du tourment que ses actes ignobles lui infligent très justement) et last but not least nous gratifie trop souvent de ses rêves érotico-scatologico-burlesques. Paré de tous ses défauts, le héros est enfin présentable à nos yeux de lecteurs sensibles…la chose est entendue nous sommes priés de détester le héros et le nazisme…l’honneur est sauf.

L’enjeu du livre, vu de la critique

Car tout l’enjeu de la critique se situe dans cette question : Peut-on faire un roman sur la politique d’extermination mise en œuvre par les nazis et de surcroît se placer dans la peau d’un ancien SS qui nous raconte sa vie ?

Les lettres françaises sont à l’image de notre société vermoulue, tout le monde peut parler de tout, dire n’importe quoi et prôner les plus abjectes idées, mais il est un tabou absolu, le nazisme et par extension facile les gens de droite !

Johnatan Littel nous a bien dit que s’il n’en faisait pas étendard il était quand même juif, ce qui a rassuré à peu près tout le monde sauf les plus enragés des critiques qui pensent qu’un livre pareil peu quand même donner des idées à un malade (il faudrait, je pense, supprimer les livres d’histoire…notre démocratie radieuse est malheureusement encore imparfaite !!). L’écrivain peut écrire, le héros peut agir…à vous de lire !!

L’intérêt du livre

Le grand intérêt de ce livre, outre sa qualité littéraire indéniable, réside dans la formidable plongée qu’il nous permet de réaliser dans l’administration du IIIème Reich autant d’ailleurs dans les bureaux, dans les alcôves et les villas que sur les théâtres d’opération en Russie ou ailleurs. L’autre intérêt du livre (et c’est ici que les critiques sont déboussolés) est que le héros reconnaît sa culpabilité mais aussi celle de tout un chacun de Himmler au chef de gare en passant par le balayeur, ou le maçon dès lors que quelqu’un a eu à connaître de la mise en œuvre de la « solution finale de la question juive ». Evidemment, cela remet un peu en cause la validité du procès de Nuremberg dans la mesure où ce dernier s’est attacher à faire tomber des têtes emblématiques alors que des milliers de salauds restaient libres….mais cela est une autre histoire…

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